Cet automne, nous partons à la rencontre de trois Centrales Villageoises savoyardes, EnergiCimes, Perle et Le Solaret, qui ont uni leurs forces autour d'un projet commun ambitieux : la création d'un emploi partagé ! Trois membres de ces collectifs, ainsi que de l'ASDER, la structure qui a soutenu et porte désormais cet emploi, nous racontent l’histoire de ce projet, aujourd'hui pleinement concrétisé.
Après plusieurs années d’efforts bénévoles, la question du recrutement s’est progressivement imposée dans les réflexions de Perle, EnergiCimes et Le Solaret. Chacun de ces collectifs se retrouvait à un moment clé : continuer sur la même lancée, avec des ressources bénévoles parfois limitées, ou franchir un cap en embauchant.
Pour le collectif Perle, qui compte près de dix ans d'existence, recruter un salarié était devenu "la seule solution, la seule porte de sortie pour envisager une évolution", comme l'explique Benoit, son président. L’équipe avait besoin d'un appui de compétences car celles en internes ne suffisaient plus pour aller sur des installations plus importantes. "Soit on embauchait quelqu'un, soit on risquait de stagner", explique-il.
Du côté d'EnergiCimes, la situation était similaire. Après cinq ans de projets menés à bien par les bénévoles, l’équipe ressentait le besoin de changer d'échelle. "Soit on continuait "lentement" avec les forces bénévoles disponibles, soit on se donnait plus d’ambition et on embauchait un salarié", confie Hugo, membre d'EnergiCimes.
De son côté, Le Solaret sentait également une forme de limitation, avec des moyens et des ressources en interne insuffisantes pour réaliser pleinement ses projets. L'idée d’un recrutement devenait de plus en plus intéressante pour aller de l’avant.
Alors que les collectifs avaient déjà l'idée de ce recrutement on tête, de premières discussions ont eu lieu avec le Parc Naturel Régional de Chartreuse et le Parc Naturel Régional des Bauges au moment où ceux-ci construisaient leurs feuilles de route de programmes LEADER. Les programmes LEADER (pour Liaison entre Actions de Développement de l’Économie Rurale) sont des programmes européens de développement rural qui visent à soutenir le développement des territoires ruraux.
Ce n'était alors pas écrit noir sur blanc, mais une fois l'appel à projet publié, on y voyait clairement la possibilité de financer un emploi pour les Centrales Villageoises.
"Quand on s’est rendu compte de ça, on s’est dit que ce serait pertinent de se mettre à trois pour faire un dossier commun et d'avoir un salarié commun plutôt que chacun demande 20% pour l’un, 20% pour l’autre, 20% pour le troisième avec 3 salariés à gérer", explique Hugo.
En ayant des échanges très en amont avec les Parcs Naturels Régionaux, les collectifs ont permis aux acteurs territoriaux de mieux comprendre leurs besoins et d’en tenir compte lors de la rédaction des appels à projets.
Benoit raconte: "j’avais eu une discussion avec une chargée de mission du parc il y a assez longtemps dans laquelle je lui avait exposé notre soucis de recherche de compétences et elle m'avait dit « ok, je note ça dans un petit coin » et le jour où on sera en phase de rédaction d’appel d’offres j’y penserais. Et puis plus récemment, elle m'a recontacté en me demandant si c’était toujours d’actualité".
De la même manière, lorsque les trois collectifs ont commencé à s’intéresser à l’appel à projets, les parcs leur ont signalé que des démarches similaires étaient menées par chacun d’eux. Comme ces trois Centrales Villageoises se connaissaient déjà un peu, elles ont rapidement pris l’initiative de se contacter pour échanger sur cette opportunité.
Après avoir décidé d'avancer ensemble sur ce projet, s'est très vite poser la question de "comment s'y prendre?"
Hugo, membre d'EnergiCimes mais également salarié de l'ASDER, est impliqué sur un projet européen, le projet RECROSSES, aux côtés de l'Association des Centrales Villageoises. Ce projet vise à soutenir le développement des Centrales Villageoises en régions frontalières franco-italiennes. Dans ce cadre, il avait un peu de temps pour accompagner les collectifs de Savoie et s'est alors penché sur la question, qui bénéficiait grandement aux trois collectifs.
Dans un premier temps, L'ASDER s'est chargé d'organiser des échanges bilatéraux avec chacune des Centrales Villageoises, puis des échanges collectifs, et avec les collectivités (qui co-financent cet emploi), et les parcs naturels régionaux pour le montage du dossier.
Ce travail d'animation et de pré-rédaction a été précieux pour les 3 collectifs, qui n'auraient certainement pas pu dégager le temps nécessaire pour monter le dossier, comme le souligne Nicolas, bénévole du Solaret: "On aurait eu du mal à tout mener en interne donc ce fort soutien niveau ASDER ça a quand même bien défriché les choses".
En plus de ce travail préparatoire, l'ASDER est également aujourd'hui la structure qui porte cet emploi. Comme l'explique Hugo : "Il fallait une structure qui embauche le salarié. Ni EnergiCimes, ni Perle ni le Solaret n’avaient la volonté d’embaucher le salarié car on se disait que ça allait être compliqué pour nos structures bénévoles de gérer des fiches de paie, des congés payés, des RTT, des arrêts maladie, ce n'est pas notre métier de faire ça. Donc en fait on a acté que c’était l'ASDER qui embaucherait le salarié. Le salarié a donc un contrat ASDER et il est 100% mis à disposition des 3 structures".
Après de nombreux échanges entre les différentes structures et au sein de chaque collectif, le choix du salarié s’est orienté vers un profil technique pour accompagner le développement de nouveaux projets (voir la fiche de poste).
Le programme LEADER offrant un financement à hauteur de 60 % du poste pour une durée de deux ans, il était essentiel de réfléchir à deux points importants: le cofinancement et la pérennisation du poste.
- Le cofinancement
Du côté du financement, les structures ont pu mobiliser 30 à 35 % des fonds nécessaires. Restait environ 15 % à trouver, un défi que les collectifs ont relevé en obtenant le soutien financier des territoires: la Communauté de communes Cœur de Savoie et de la Communauté d'agglomération de Grand Chambéry.
- La pérennisation du poste
Pour assurer la pérennité du poste, la volonté partagée était d’opter dès le départ pour un contrat à durée indéterminée (CDI). L’objectif : dégager suffisamment de fonds pour que le poste s’autofinance. Un horizon qui semble tout à fait réaliste comme l’explique Hugo: "Tous ensemble on a 1 MWc de puissance, il nous en manque 1 pour autofinancer le poste selon nos calculs, et on est capable de le trouver. Et si jamais ce n'est pas en service tout de suite à la fin des 2 ans, on arrivera à chercher un bout de subvention à droite, un bout de subvention à gauche pour faire la soudure jusqu'à l'autofinancement du poste. Clairement c’est l’objectif, d’y aller pour du long terme".
Cette expérience se veut aussi être inspirante pour d’autres collectifs, qui cherchent à passer un nouveau cap dans leur développement et voient dans l'emploi partagé une solution pour mutualiser des ressources, pas seulement financières. C'est l'opportunité pour les Centrales Villageoises de renforcer les liens et la collaboration, en tirant parti des forces et des compétences de chacun.
Cette idée porte en tout cas un véritable enthousiasme chez les trois collectifs savoyards qui s’apprêtent à accueillir leur premier salarié en janvier 2025. En souriant, ils imaginent déjà que "dans 5 ans, peut-être que nous aurons deux salariés mutualisés entre Perle, Energicimes et le Solaret. On peut toujours rêver. Mais pour nous, l’essentiel est que ça fonctionne, et on y croit".