Voyage au cœur des projets, épisode 6

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Voyage au cœur des projets, épisode 6 : Les Centrales Villageoises Soleil Sud Bourgogne
Engagé en faveur du développement des énergies renouvelables dans le mâconnais depuis plusieurs années, ce collectif s’est structuré en société SAS Centrales Villageoises en janvier 2018. Très vite, le projet se concrétise avec la mise en service de 4 premières installations photovoltaïques. Mais depuis, la suite de l’aventure des Centrales Villageoises Soleil Sud Bourgogne n’est pas un long fleuve tranquille !
Laurence Boubet, Michel Lopez, et Dominique Dehouck nous racontent leur projet et témoignent qu’un projet citoyen peut aussi avoir son lot de difficultés. Une prise de recul effectuée avec lucidité et une motivation intacte pour développer les énergies renouvelables citoyennes en Sud Bourgogne !

D’où viennent les Centrales Villageoises Soleil Sud Bourgogne ?

Laurence Boubet (LB) : A l’origine, il y a une association qui s’appelait l’APERL, Association pour la production d’énergies renouvelables locales et citoyennes dans le Mâconnais. Cette association s’est tout d’abord intéressée à la problématique du chauffage urbain à Mâcon où le chauffage était encore au fioul. Notre première intervention a été de nous insérer dans la campagne municipale de 2014 et de faire en sorte que ce sujet soit repris par toutes les listes. Quand la municipalité sortante a été réélue, elle ne pouvait pas faire autrement que d’avancer sur un projet de chauffage biomasse !

Parallèlement à cela, nous nous sommes retrouvés à défendre des projets éoliens sur le territoire. Tous ont été abandonnés car la Saône-et-Loire est un département où la mobilisation des anti-éoliens est vraiment forte... Dans un sens cela nous a poussé à étudier la question du photovoltaïque. Dans un premier temps, on avait envisagé de mettre en place un club d’investissement mais finalement on a trouvé plus logique de créer la société nous-même.


Vous êtes la première société Centrales Villageoises créée en Bourgogne : comment avez-vous entendu parler du modèle ?

Michel Lopez (ML) : J’avais vu Noémie Poize à l’assemblée générale d’Energie Partagée en 2017 à Marseille. J’avais donc à cette occasion découvert le modèle Centrales Villageoises, tout comme d’autres modèles de projets citoyens comme celui de Cowatt.

LB : Le fait d’être proche de la région Rhône Alpes a sans doute joué. Le modèle nous a convenu, on a décidé de se mettre dans ce moule-là. On a lancé l’idée en mai 2017 et la société a été créé en janvier 2018 avec une dizaine de personnes en tant que membres fondateurs.

 

Vous avez fait le choix d’un territoire d’action vaste par rapport aux autres Centrales Villageoises. Pouvez-vous revenir sur les raisons de ce choix ?

LB : C’est un débat qui nous a bien occupé jusqu’à la création de la société, notamment avec le comité d’engagement des Centrales Villageoises qui trouvait le territoire trop grand. Le territoire regroupe la communauté de communes du Clunisois, celle de Saint-Cyr Mère Boitier et une partie de la communauté d’agglomération de Mâcon.
Pour nous, ce territoire était logique car il correspondait aux localisations des membres fondateurs. D’ailleurs, les cinq membres d’origine qui sont toujours dans le Conseil de Gestion sont répartis sur les trois EPCI. On n’est pas dans une zone de montagne donc je pense que l’approche du territoire doit être différente ici que pour d’autres Centrales Villageoises. Certes cela implique du temps de route entre deux points du territoire... Mais si c’était à refaire, on le referait !

ML : Je dirais même qu’en toute logique, d’après notre nom, nous aurions dû recouvrir une 4e communauté de communes de manière à agir sur l’ensemble de l’ancien « Pays Sud Bourgogne ». Mais on manquait de forces vives sur ce territoire au lancement de la société. Mais à termes, on pourrait s’y étendre, tout comme sur le reste de Mâconnais Beaujolais Agglomération.

LB : Il y a également un enjeu par rapport à la recherche de grandes toitures. A l’époque où nous cherchions des petites toitures, c’était faisable de se restreindre à une quinzaine de communes. Pour les grandes toitures c’est plus compliqué, on manque vite de potentiel.

territoire cvssb

 

Une fois la société créée, vous avez vite embrayé sur les projets photovoltaïques…

LB : Oui, initialement nous avions cinq projets : quatre de 9 kWc et un de 36 kWc que nous avons dû abandonner à cause de coûts de raccordements excessifs. Deux installations ont été mises en service fin 2018 et deux autres en janvier 2019.

Quand nous avons lancé nos quatre premiers projets, on avait « passé la bascule » après laquelle les projets de 9 kWc n’étaient plus vraiment rentables. Mais nous avions la volonté de commencer rapidement pour afficher notre capacité à faire. On s’est dit que c’était important que l’on ait une visibilité très rapidement, et pour cela il fallait faire aboutir ces projets.
Je ne pense pas que ça a été une mauvaise décision car c’est sur cette base que l’on a pu lever le capital de la société. On a aujourd’hui 142 k€ de capital social, ce qui nous permet d’avoir une certaine capacité d’investissement.

On cherche désormais à développer des plus grosses toitures. Mais depuis 2019, on rame !

 

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Centrale PV sur les ateliers municipaux de Verzé

 

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Inauguration de la centrale autour du local onduleur

 

Quelles sont vos difficultés ?

LB : J’en vois déjà trois qui ne sont pas liées à la taille des projets mais sont spécifiques à notre territoire.
Déjà le fait que, contrairement à d’autres régions, notre Région ne soutient pas les projets citoyens comme les nôtres. La seule chose qui existe en région Bourgogne-Franche-Comté est le programme Etincelle porté par Coopawatt qui nous a aidé. Mais financièrement il n’y a pas d’aide aux études ou à l’investissement et vu le niveau d’ensoleillement ici, c’est très compliqué pour le modèle économique.

La 2e difficulté est que depuis deux ans, un Architecte des Bâtiments de France a prescrit une couleur rouge brun sur les panneaux photovoltaïques dans les zones de protection. Du coup nous évitons d’aller dans les périmètres concernés…

La 3e difficulté générale est que les deux plus grosses communes du secteur, Mâcon et Charnay-lès-Mâcon, ont toutes deux un Plan Local d’Urbanisme qui impose l’intégration au bâti pour le photovoltaïque. Nous avons engagé des discussions pour faire évoluer cela mais ça prend du temps… Et les confinements n’ont pas aidé !

Concernant les difficultés liées aux grandes toitures, on a la question des raccordements, qui sont plus chers et surtout plus incertains. C’est cela qui nous bloque : tant que l’on n’a pas fait la demande de raccordement, on ne sait pas combien cela va coûter ! Le 2e point ce sont les questions de structures, d’autant plus qu’on a beaucoup de mal à trouver un bureau d’études structures localement.

ML : J’ajouterais qu’on se heurte à un manque de documentation technique des potentiels bailleurs concernant leurs bâtiments. Sur les charpentes par exemple, il est classique que l’on ne puisse plus voir la structure du bâtiment, masquée par l’isolation thermique ou phonique ou la protection anti-incendie. Il est généralement compliqué de remettre la main sur les plans…
Il faut donc faire appel à un bureau d’études et on se confronte à deux types d’offres : soit des « offres bateaux » où on se dit que vu le délai de réponse et le montant de l’offre ce ne sera pas une étude sérieuse, soit des offres à plus de 5000 € qui semblent bien sérieuses… mais que l’on ne peut pas se payer !
De notre côté on va essayer de passer du temps à faire des relevés techniques mais on n’a pas des moyens de professionnels…

LB : Enfin, on découvre une difficulté plus récente : les collectivités commencent à vouloir faire les installations photovoltaïques elles-mêmes plutôt que de confier leurs toitures à une société citoyenne comme la nôtre. Je crois qu’elles sont motivées par des subventions de l’Etat liées au plan de relance qui leur offre l’opportunité de s’équiper en photovoltaïque dans le cadre de travaux de rénovation énergétique... Du coup, nous avons perdu un certain nombre de projets où les collectivités nous on dit « finalement on fera sans vous ».
D’un certain point de vue on se dit « si elles font, pourquoi pas : on reste dans l’objectif de développer le photovoltaïque sur le territoire » mais nous avons quand même des interrogations sur leur capacité à réaliser ces projets… Pour des petites communes, mener ces projets sans aide, en direct avec des installateurs et en s’assurant d’un résultat de qualité, cela nous parait quand même compliqué. Ce qu’on a appris depuis maintenant 4 ans, c’est que le photovoltaïque ça ne s’improvise pas !

 

 

macon

 

réunion

 

Comment rebondir face à ces difficultés ?

Dominique Dehouck (DD) : Notre modèle, porté par des citoyens et très spécifique, est peu rémunérateur pour les bailleurs et ne trouve pas toujours écho dans notre secteur. Notre moteur, c’est que nous avons la chance d’avoir une équipe motivée, très diversifiée, répartie sur différents secteurs et qui se complète en permanence.
Le deuxième point fondamental, c’est le soutien du réseau. On sait que si on a un souci technique ou juridique, on va pouvoir aller chercher des réponses.

LB : Je confirme ce point ! Je ne comprends pas comment certains groupes citoyens arrivent à se lancer en dehors d’un réseau. Dans notre cas, je ne sais pas comment nous aurions fait sans l’aide du réseau.

Pour revenir à nos problématiques, nous avons réfléchi à tout cela depuis plusieurs mois, on s’est remis en cause. On s’est dit que l’on n’était pas assez « vendeurs » auprès des bailleurs potentiels : nous avons donc réfléchi à revoir notre communication et à proposer des offres qui vont au-delà de la « simple location » de toiture.
On a eu plusieurs idées : la possibilité d’installer quelques panneaux en autoconsommation au profit du propriétaire de la toiture à la place du loyer ou bien d’installer une borne de recharge électrique sur le site de l’installation ou encore de proposer de verser une part des loyers à la signature du bail de façon à participer à d’éventuels travaux.

ML : Nous attendons avec impatience la validation des outils du groupe de travail sur l’autoconsommation* pour pouvoir se les approprier et commencer à proposer cette offre sur le secteur. Nous savons que des collectivités pourraient être intéressées, comme la Communauté de Communes du Clunisois qui a une piscine intérieure qui s’y prêterait bien…

DD : A mon avis, étant donné la minceur du loyer offert, il faudrait que nous trouvions des montages pour proposer au bailleur d’être co-investisseur du projet, pour les associer économiquement. Ce serait peut-être un sujet à creuser avec d’autres Centrales Villageoises confrontées aux mêmes difficultés que nous.

*Groupe de travail en cours organisé au sein du réseau Centrales Villageoises, visant à étudier la possibilité pour les Centrales Villageoises d’intervenir sur des projets d’autoconsommation individuelle en tant que tiers-investisseur.

 

La Roche Vineuse

 

Tramayes

 

Quels sont vos projets les plus avancés à l’heure actuelle ?

LB : Nous sommes en train de finaliser un projet de 36 kWc sur un bâtiment de la chambre d’agriculture de Saône et Loire. On a l’offre de raccordement, on peut espérer une mise en service début 2022.

Nous travaillons également sur un projet de 160 kWc, sur une étable  . A l’origine les propriétaires de la ferme voulaient installer eux-mêmes 100 kWc mais le prix du raccordement était trop élevé. On l’a appris par nos réseaux, nous les avons rencontrés pour leur proposer une installation plus importante, de façon à diluer un peu les frais de raccordement. Ils réfléchissent actuellement à notre proposition. Mais pour faire aboutir cela, nous aurons besoin du nouvel arrêté tarifaire, que l’on attend donc avec impatience…

ML : Et nous avons également d’autres projets sur la tranche de puissance de 100 à 500 kWc dans les tuyaux !

 

Et au-delà du photovoltaïque, étudiez-vous d’autres types de projets ?

LB : A l’époque de l’APERL nous avions fait un recensement des seuils pour l’hydroélectricité. Mais nous n’avons pas un potentiel hydro très intéressant. Ou alors il faudrait basculer sur un projet d’hydroliennes ou de centrales au fil de l’eau.
Je ne désespère pas qu’on arrive à s’associer à un projet éolien. Mais on connaît la difficulté qu’il y a à développer ces projets dans le département. Le seul qui a réussi à sortir, est parti d’un groupe d’agriculteurs, et le projet a été mené de façon très transparente. C’est sans doute l’exemple à suivre !  

 

Propos recueillis par Etienne Jouin

 

Source
Association des Centrales Villageoises