Voyage au cœur des projets, épisode 5

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Voyage au cœur des projets, épisode 5 : A la découverte du projet de la turbine de l’Oule
Les Centrales Villageoises, ce n’est pas que du photovoltaïque !
Le projet hydraulique de la turbine de l’Oule, porté par Grési21, en est un bel exemple. Reportage sur cette initiative que l’association accompagne dans une optique d’essaimage au sein du réseau.

La première étincelle

C’est en 2015 que l’idée de turbiner l’eau issue de la source Poirier émerge dans la tête de Martin Heusse. « Il faut qu’il y ait une étincelle dans la tête de quelqu’un, explique Martin. Pour moi, ça a été le cas en découvrant les débits de la source Poirier ». Une étincelle en partie expliquée par l’idée qui pré-existait dans diverses associations locales, de turbiner les effluents sortant de la station d’épuration voisine… Dont les débits sont cependant trop faibles pour une installation viable.

La source Poirier avait été construite au siècle dernier pour alimenter les hôpitaux de St Hilaire, fermés à la fin des années 2000 et détruits en 2018. Elle est la source principale d’eau potable du village, mais cela ne représente qu’une fraction de son débit : le reste de l’eau constitue donc un productible exploitable.

Quelques calculs de coin de table* confirment rapidement que le débit et la hauteur de chute permettent d’envisager une puissance intéressante, de plusieurs centaines de kilowatts. Le projet de la turbine de l’Oule, en référence à la cascade de l’Oule toute proche et bien connue des promeneurs et parapentiste locaux, est né.

Mais à ce stade, tout reste à faire et l’émergence d’un projet hydraulique n’est pas une chose aisée pour quelqu’un ne travaillant pas dans ce milieu, comme en témoigne Martin, qui se démène pour obtenir « à droite et à gauche » des informations lui permettant d’avancer la réflexion.

localisation projet
Localisation du Plateau-des-Petites-Roches

 

Se structurer et mobiliser pour avancer

En 2017, la réflexion commence à se structurer. Du côté de Grési21 déjà, où Vincent Gay rejoint Martin dans la démarche. Ils rencontrent rapidement des acteurs locaux pouvant les aider sur ce projet, notamment l’AGEDEN (agence de l’énergie en Isère) et l’association Alpes Hydro.

Grési21 sollicite également les collectivités locales : la mairie de Saint-Hilaire-du-Touvet (désormais commune du Plateau-des-Petites-Roches), puis la Communauté de Commune du Grésivaudan et le Parc Naturel de Chartreuse sont impliqués dans la démarche. Emerge alors l’idée d’un portage de projet impliquant à la fois la commune et les citoyens (via Grési21), regroupés au sein d’une société de projet dédiée. Une étude juridique viendra par la suite poser les bases statutaires cette future société.

Le soutien du PNR permet également d’avancer concrètement sur la définition technique du projet : une première étude de faisabilité est financée par le Parc auprès des bureaux d’étude H4e pour la partie technico-économique, et ATESyn pour la partie environnementale.

 

Grace aux pré-études, le projet prend forme

Les bureaux d’études rendent leur verdict courant 2018, et le projet se dessine plus précisément. L’idée consiste à capter l’eau issue de la Source Poirier, à une altitude de 1025 m, pour la turbiner un peu plus de 700 mètres plus bas, au niveau de la gare basse du funiculaire de Montfort, avant de la rejeter dans le ruisseau du même nom. Entre ces deux points, une conduite sous pression d’une vingtaine de centimètres de diamètre serait installée le long du funiculaire reliant le Plateau des Petites Roches (hameau les Gaudes) à la vallée (hameau Montfort à Crolles).

La disposition de la conduite sur le tracé du funiculaire offre de nombreux avantages. Du point de vue environnemental, cela évite la création d’une nouvelle « trouée » dans la végétation entre la vallée et le plateau. D’un point de vue pratique, cela facilite les travaux de génie civil, et on peut même imaginer que le funiculaire pourrait permettre le transport des matériaux pendant le chantier. Enfin, d’un point de vue foncier ce choix permet de limiter le nombre de propriétaires de terrain concernés par la trajectoire de la conduite, l’emprise du funiculaire étant un terrain communal.

 

plan précis
Tracé envisagé pour la conduite forcée

 

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gare funiculaire

Le débit de la source Poirier étant mesuré depuis de nombreuses années par la Commune, le bureau d’études dispose de données lui permettant de donner des premiers éléments techniques sur le projet. Plusieurs variantes de projet sont proposées, pour des puissances comprises entre 190 et 310 kW. La variante à 250 kW est alors retenue par Grési21. La turbine envisagée est de type Pelton, particulièrement adaptée pour les hautes chutes à faible débit.

 

Un pas en avant, deux pas en arrière…

En 2019, la dynamique du projet est belle est bien lancée : un groupe de bénévoles de Grési21 se structure auprès des « pionniers » Vincent et Martin. Cerise sur le gâteau, plusieurs nouvelles recrues possèdent des compétences précieuses en hydraulique ou en génie civil…

Le lancement des études environnementales et la préparation du dossier de demande d’autorisation semble alors imminentes. Grési21 se rapproche par ailleurs d’Enercoop pour financer ensemble les études de faisabilité, et fait réaliser divers chiffrages pour estimer le coût des travaux de génie civil et ainsi affiner le business plan. Malheureusement, la rentabilité du projet n’est pas au rendez-vous et le risque financier s’avère trop important. C’est la douche froide pour le projet !

 

Une nouvelle dynamique… et un nouveau souci

Cette mauvaise nouvelle n’affecte cependant pas la dynamique du groupe hydro de Grési21, qui fort de ses nouvelles recrues n’entend pas en rester là et se retourne à ses réflexions sur la définition technique du projet, de façon à trouver des solutions pouvant améliorer le business plan. Plusieurs pistes sont explorées : la recherche de productible complémentaire, la reprise des hypothèses de pertes, la mise à jour des consultations de génie civil, l’étude de l’incidence d’un projet de puissance plus importante…

C’est notamment ce dernier point qui s’avère être une solution : en réhaussant la puissance du projet à 380 kW, le projet est certes plus onéreux (notamment du fait du raccordement en HTA) mais la production électrique projetée est significativement supérieure et permet une meilleure rentabilité. L’année 2020 aura ainsi permis de revoir intégralement ce business plan, qui, grâce à des devis plus raisonnables sur la partie génie civil, est revenu au vert.

Cependant, un nouveau souci identifié vient mettre un ombre au tableau : Grési21 prend connaissance du fait que l’on suspecte qu’une partie de l’eau issue de la source Poirier vienne alimenter une source d’eau potable dans la vallée, nommée le Trou Bleu, via des infiltrations d’eau en aval de la cascade de l’Oule. La conduite entre la source et le bas du funiculaire pourrait donc avoir une influence sur l’alimentation de cette source d’eau potable. Cependant, si tel était le cas, il est actuellement impossible de savoir dans quelle mesure et dans quelle proportions le projet pourrait impacter le Trou Bleu.

Grési21 considérant que son projet ne doit pas porter atteinte à ce captage d’eau potable, un coup de frein a été mis sur les démarches du projet pour se concentrer sur cette problématique.

 

chronologie
Chronologie du projet de la turbine de l'Oule

L’actualité du projet : des seuils pour mesurer les débits !

De manière à évaluer la quantité d’eau potentiellement concernée par une infiltration en direction du Trou Bleu, Grési21 a entrepris fin 2020 l’installation de seuils de mesure de débit à deux points stratégiques : en aval de la source Poirier et en amont de la cascade de l’Oule. Des mesures de débit ponctuelles sont également prévues au niveau du ruisseau près de la gare basse du funiculaire. La comparaison des valeurs de débit permettra d’évaluer plus précisément la part de l’eau s’infiltrant dans la roche, et ainsi avoir des éléments concrets permettant d’évaluer un éventuel impact sur le Trou Bleu.

Ces mesures de débit permettront par ailleurs d’affiner les prédictions de production de la turbine, et d’évaluer l’impact du projet sur la cascade de l’Oule.

seuil
Le 1er seuil de mesure. La mesure de la hauteur d'eau à un instant t permet de déduire le débit
team
Les travaux d'installation du 1er seuil, par les bénévoles de Grési21

La suite du programme

Les mesures de débit ne pourront être interprétées qu’après un certain temps : a minima quelques mois et idéalement plus d'un an. Si ces mesures lèvent la problématique du Trou Bleu, Grési21 pourra lancer la préparation du dossier de demande d’Autorisation Environnementale. La préparation d’un tel dossier nécessitera l’intervention de bureau d’études spécialisés et nécessitera plusieurs mois. Une fois le dossier finalisé, il sera déposé auprès des services instructeurs (DDT) et fera l’objet d’une procédure d’instruction prévoyant notamment l’organisation d’une enquête publique.

Comme le lecteur l’aura compris, un tel projet nécessite plusieurs années d’études et de procédures avant de pouvoir produire de l’électricité. Néanmoins, par sa production électrique relativement importante, son montage juridique alliant collectivités et citoyens du territoires, et son impact environnemental très limité, ce projet présente de nombreux avantages qui justifient pleinement la patience et l’abnégation des bénévoles qui se démènent pour le mener à bien !

 

Le suivi par l’Association des Centrales Villageoises

Si le modèle des Centrales Villageoises s’est largement développé autour du photovoltaïque, les Centrales Villageoises ont vocation à agir sur les différents pans de la transition énergétique sur leur territoire : économies d’énergie, et production d’énergie renouvelables issues de diverses sources.

De manière à accompagner une diversification des modes de production d’énergie par les Centrales Villageoises, l’association a souhaité suivre de près le projet de Grési21, de manière à s’appuyer sur son retour d’expérience pour commencer à outiller le réseau sur le thème de la petite hydraulique (voir la page du site sur ce thème).

Cela a été rendu possible grâce au financement obtenus auprès des partenaires suivants :

  • La Fondation de France, dans le cadre de l’appel à projets « La transition écologique, ici et ensemble »
  • La Fondation Terre Solidaire, et sa fondation abritée Celsius

 

fdf

 

fts

 

 

celsius

*Pas besoin d’être prix Nobel de physique pour calculer la puissance hydraulique d’un site ! La relation suivante le permet à partir du débit maximal dérivé (Qmax) et la hauteur de chute (H). Le coefficient R, généralement compris entre 0,6 et 0,9, permet de prendre en compte les pertes de charge et le rendement des appareils.

P (kW) = 9,81 x Qmax (m3/s) x H (m) x R

Source
Association des Centrales Villageoises