Dans ce voyage au cœur des projets estival, trois membres à l’initiative de la démarche nous racontent l’émergence de ce projet, et comment association et société locale coopèrent pour agir en faveur de la transition énergétique sur la côte d’Emeraude.
Lancée par l’Association Emeraude Transition Energétique (ETE) en 2021, les Centrales Villageoises Rance Emeraude (CVRE) se sont constituées avec l’objectif de produire de l’électricité verte et locale. 3 ans et 5 installations photovoltaïques plus tard, elles mettent le cap sur l’autoconsommation collective. Le tout, en agissant main dans la main avec l’association sur les économies d’énergie et les kits photovoltaïques.
En 2020, alors en plein confinement, Jean-Pierre Thomas, habitant de Lancieux dans les Côtes d’Armor, envoi un email à son petit réseau amical et de voisinage pour proposer d’agir en faveur de la transition énergétique. A sa grande surprise, une vingtaine de personnes répondent avec enthousiasme à l’appel et deux semaines plus tard, l’association est créée.
3 grands objectifs se dégagent de cette association :
- Sensibiliser sur les questions d’énergie
- Accompagner les personnes souhaitant entreprendre des initiatives locales (installation de panneaux photovoltaïques, rénovation énergétique)
- Produire collectivement de l’énergie renouvelable
Seulement, sur ce dernier point, plane un gros point d’interrogation : Comment le réaliser concrètement ? Sous quelle structure ?
Pour répondre à ces questions, le collectif multiplie les rencontres : acteurs locaux, syndicats d’énergie, Taranis (réseau breton des projets d’énergie citoyenne), collectifs travaillant dans le secteur. C’est ainsi qu’ils entendent parler du modèle des Centrales Villageoises. Et bingo : il s’avère qu’une Centrales Villageoises est née quelques années plus tôt sur le territoire breton (les Centrales Villageoises Ouest Cornouaille). Après une première rencontre, le collectif se dit : « C’est ça, il faut aller dans cette direction. La dimension réseau est géniale, et la charte que nous avons découverte nous convient parfaitement », explique Jean-Pierre Thomas, Président des Centrales Villageoises Rance Emeraude.
Alors que le collectif prend la décision de former une Centrales Villageoises, une nouvelle question se pose quant à l'organisation de cette entité avec l'association : faut-il regrouper tous les objectifs de l'association au sein de la Centrales Villageoises, ou bien maintenir deux structures distinctes ?
« Il nous est apparu utile d’avoir à la fois une association et de créer la société. Créer la société, bien sûr, puisque nous allions vendre de l’énergie, mais nous avons aussi voulu maintenir l’association pour apparaitre crédible
auprès des particuliers, notamment en matière d’économies d’énergies, de conseils désintéressés pour la rénovation thermique des bâtiments et dans l’accompagnement de l’installation de panneaux solaires sur les toits de particuliers. Les 2 entités nous ont paru tout à fait complémentaire » relève Michel-Eric Ehrlich, l'un des co fondateurs l’association.
Par ailleurs, « l’association commençait à être bien connue donc on s’est dit qu’on allait capitaliser là-dessus. Après, la question était de savoir comment nous allions nous répartir les taches, et si nous allions trouver suffisamment de bénévoles, et oui ce fut le cas, on s’est partagé les rôles entre bénévoles » explique Jean Pierre Thomas.
Une fois la société créée, les Centrales Villageoises Rance Emeraude se concentrent sur l’installation de panneaux photovoltaïques. Dans ce parcours à la recherche de toitures, le collectif rencontre plusieurs acteurs enthousiasmés par le projet, mais pour beaucoup situés en dehors du territoire initialement considéré. CVRE prend alors la décision d'élargir son périmètre d'action pour intégrer ces nouveaux acteurs.
Parmi eux, l’association CIDRE (Citoyens Investis dans le Développement Responsable et l’Écologie), qui avait identifié un projet sur une commune voisine mais peinait à le mettre en œuvre ; Cœur Emeraude, l’association de préfiguration d’un parc naturel régional, qui voyait toute la plus-value du projet, et le lien historique existant entre Centrales Villageoises et Parcs Naturels Régionaux ; et une agglomération, qui essayait de mettre en place un projet citoyen avec difficultés.
Le premier projet photovoltaïque s’appuie alors sur ces « nouveaux » partenaires, « à la fois avec la volonté politique d’une commune sur le territoire élargi et avec l’association [CIDRE] existante parce qu’[ils avaient] un bon réseau. « Nous, à l’époque, nous avions presque une centaine d’adhérents à jour de cotisations sur ces thématiques » explique Alain Hugues, alors Président de CIDRE. Bien que toutes les conditions étaient réunies pour ce premier projet, ce dernier tombe finalement à l’eau à cause de structures insuffisantes. Malgré la douche froide, deux projets de 9kWc voient le jour dans les mois suivants : un projet chez un particulier dans cette même commune, et un second dans une commune voisine qui avait spontanément contacté la Centrales Villageoises.
Et voilà, la machine était lancée.
Depuis, 3 nouveaux projets de plus grande envergure ont été développés, et un projet d’autoconsommation collective devrait voir le jour à l’automne, sur un périmètre de 10km et 7 communes. Les Centrales Villageoises Rance Emeraude sont devenues un véritable acteur de la transition énergétique sur le territoire, comme le souligne son président : « Je dois dire qu’on a vraiment créé un partenariat extrêmement intéressant [avec les collectivités] qui fait que très régulièrement, dès qu’il y a des réunions avec des maires, on est systématiquement invités. Je peux dire en toute modestie que CVRE est devenu le levier citoyen de Dinan Agglomération pour développer les projets de transition énergétique, et c’est vraiment bien ».
La confiance accordée au collectif citoyen par les élus s’étend très vite dans le domaine de la maîtrise de l’énergie. En 2023, la Communauté de communes de la Côte d’Emeraude remporte un appel à projets sur le sujet, et se tourne directement vers l’association ETE pour réaliser un défi d'économies d’énergie et d’eau auprès de la population locale. En savoir plus.
En parallèle de ce défi, association et société locale montent ensemble une opération de vente de kits solaires. Cela donne lieu à près d’une dizaine de réunions publiques, où chacune des structures profite de l’évènement pour présenter ses activités. Cette opération fonctionne particulièrement bien, puisqu’ « on voit qu’après chaque réunion, on a des actionnaires en plus, des commandes de kits, des demandes de renseignements sur des rénovations, c’est extrêmement positif » se réjouit Jean-Pierre Thomas.
Pourtant, cette activité laissait certains dubitatifs au début : « Ces kits solaires, personnellement je n’étais pas trop sûr au début, et en fait, c’est une très bonne idée puisque ça permet de mobiliser les gens. On s’aperçoit qu’en peu de temps, en un an, on a vendu 52 kits solaires ce qui représente l’équivalent d’une installation sur une grande toiture. Donc ça va aussi dans le bon sens, et puis ce sont autant de gens qui sont sensibilisés aux questions énergétiques, qui vont surveiller leur consommation, qui vont l’adapter et donc c’est un premier pas vers d’autres opérations.» explique Michel-Eric Ehrlich.
Au-delà de ces activités, ETE a un véritable rôle d’accompagnement. L'association aiguille les foyers intéressés par l’installation de panneaux photovoltaïques ou de rénovation thermique, par échange téléphonique ou lors de visites à domicile. L’idée étant de faire un premier balayage, sans pour autant se positionner comme un expert.
« On s’aperçoit qu’on est à la fois bien perçus et qu’on apporte un accompagnement qui est très utile puisque ce sont des domaines qui sont relativement techniques et les particuliers sont très vites paumés.
Et on les oriente après vers les maisons de l’habitat, où là il y a de véritables experts, ou vers des professionnels que nous pouvons recommander. », explique Michel-Eric Ehrlich.
« Ils ne nous perçoivent pas du tout comme des concurrents mais plutôt comme des compléments. Ils sont à la fois débordés par les demandes qu’ils n’arrivent pas à traiter parce qu’ils sont trop peu nombreux, et d’autre part, ils savent bien qu’ils ne sont pas connus de tout le monde donc l’association est un relais d’intermédiation très apprécié. » ajoute Jean Pierre Thomas.
Pour la suite, l'association ETE souhaite poursuivre ses activités tout en renforçant ses actions de sensibilisation auprès des plus jeunes. L’idée ? Intervenir dans les écoles pour sensibiliser les jeunes à ces questions et réfléchir à comment mieux les intégrer au sein des projets. Un enjeu partagé par l’association CIDRE, qui s’anime déjà à l’idée de voir le projet d’éco quartier se développer pour « refaire du lien de pédagogie et de l’animation avec les jeunes » s'enthousiasme Alain Hugues.
Du côté des Centrales Villageoises Rance Emeraude, l'avenir s'oriente sur l'autoconsommation collective et la collaboration avec les collectivités pour anticiper les enjeux futurs du territoire.